L'angoisse, la crise d'angoisse, l'anxiété : y voir plus clair !
- Nadya Chaffaut
- 10 oct. 2024
- 5 min de lecture

Nous allons faire un zoom sur l'angoisse, afin de comprendre et apprivoiser un mal invisible, le différencier de l'anxiété et mettre en lumière une technique pour aider à canaliser ces moments de crise.
Qu’est-ce qu’une crise d’angoisse ?
Une crise d’angoisse, souvent appelée attaque de panique, est une manifestation soudaine et intense de peur ou de malaise. Elle se caractérise par des symptômes physiques et psychiques impressionnants : accélération du rythme cardiaque, difficulté à respirer, sueurs, tremblements, étourdissements, voire la sensation de perdre le contrôle ou de mourir. Ces symptômes peuvent être tellement marquants qu’ils conduisent souvent ceux qui les subissent à consulter en urgence, pensant qu’il s’agit d’un problème physique grave, comme une crise cardiaque alors que les résultats des analyses médicales montrent que tout va bien.
Cette notion a été abordée par des auteurs comme Donald W. Winnicott, qui a décrit l’angoisse comme un signal de rupture dans l’intégration du Moi, en particulier lorsque les éléments externes deviennent soudainement trop menaçants ou incontrôlables pour le sujet. Ce type de crise exprime souvent une réaction disproportionnée par rapport à une situation donnée, ce qui la rend d’autant plus déstabilisante.
Quelle est la source de l’angoisse ?
L’angoisse, au sens psychanalytique, est souvent reliée à l’inconscient et aux conflits psychiques internes. Sigmund Freud a largement exploré ce phénomène dans ses travaux, notamment dans "Inhibition, symptôme et angoisse" (1926), où il définit l’angoisse comme un signal envoyé par le "Moi" face à une menace inconsciente, par exemple un désir refoulé, une pulsion ou une peur primitive qui remonte à la surface. Autrement dit, l’angoisse est une réaction à des tensions psychiques internes qui ne parviennent pas à être symbolisées de manière consciente.
De son côté, Lacan, dans son séminaire "L’angoisse" (1962-1963), théorise l’angoisse comme une réponse au manque, à l’absence de repères dans la structure symbolique qui entoure le sujet. Pour Lacan, l'angoisse n'est pas sans objet ; elle survient lorsque l’individu est confronté à quelque chose qui le dépasse, une confrontation à ce qu'il nomme le désir de l'Autre.
"J'angoisse là où je désire". Jacques Lacan
En termes plus actuels, l’angoisse peut aussi être le produit de divers facteurs : stress accumulé, traumas non résolus, incertitude face à l’avenir ou situations de la vie perçues comme incontrôlables. Elle peut naître d’un sentiment d’impuissance face à l’adversité ou face à des exigences personnelles et sociales trop importantes.
L’angoisse se confond-elle avec l’anxiété ?
Bien que souvent utilisés de manière interchangeable, les termes "angoisse" et "anxiété" ne désignent pas tout à fait la même chose.
L’anxiété est un état émotionnel chronique, souvent moins intense, caractérisé par une inquiétude constante, souvent liée à des événements futurs ou des situations de la vie quotidienne. Elle est plus diffuse, avec un fond de tension persistant, mais ne présente pas nécessairement les mêmes pics intenses que la crise d’angoisse.
L’angoisse, quant à elle, est un phénomène plus ponctuel, souvent accompagné de symptômes physiques puissants et d’un sentiment d’urgence. L’angoisse est plus aiguë, plus déstabilisante, mais tend à être plus courte dans le temps, bien que ses effets puissent être durables si elle se répète.
Quelle est la fonction de l’angoisse ? Peut-elle servir à quelque chose ?
Bien que douloureuse, l’angoisse peut être considérée, dans une perspective psychanalytique, comme un mécanisme de protection psychique. Elle sert de signal d’alarme qui prévient le Moi d’un conflit inconscient qui doit être réglé ou d’un danger perçu par l’inconscient. Dans ce sens, elle a une fonction adaptative, en signalant que quelque chose d’essentiel n’est pas en ordre dans l’économie psychique de l’individu.
Pour Freud, l’angoisse est une réaction de l'appareil psychique lorsqu'il est submergé par une pulsion qui n'a pas trouvé de voie d'expression satisfaisante.
Lacan allait plus loin, affirmant que l’angoisse est au cœur du désir humain, car elle est liée à ce que le sujet perçoit comme un manque fondamental ou un vide dans son existence, souvent en lien avec son rapport à l’Autre.
Ainsi, l’angoisse peut être vue comme une expérience inévitable, mais aussi nécessaire, dans le cheminement de la construction de soi. Paradoxalement, l’angoisse révèle la vérité du désir, car elle pointe vers ce qui manque au sujet et ce qu’il doit affronter pour avancer.
L’angoisse, bien qu’inconfortable, peut donc être une invitation à l’introspection, à comprendre les causes sous-jacentes des tensions internes. En psychanalyse, elle ouvre souvent la voie à une exploration de soi plus profonde. Elle permet de mettre en lumière les désirs refoulés, les peurs non exprimées, ou encore les traumas enfouis. Ainsi, bien que l’angoisse soit une expérience négative, elle peut être le point de départ d’un travail thérapeutique et de transformation personnelle.

Conseils pour gérer une crise d’angoisse : La technique du 5-4-3-2-1
Lorsque l’angoisse prend une tournure physique, il est essentiel de disposer d’outils concrets pour calmer l’esprit et reprendre le contrôle de son corps. La technique du 5-4-3-2-1 est un exercice de ré-ancrage sensoriel, souvent utilisé pour calmer une crise d’angoisse ou de panique en reconnectant progressivement la personne à son environnement immédiat, ce qui l’aide à sortir de l’état d’urgence intérieure.
Voici comment elle fonctionne :
1. "5 visuel" : Regardez autour de vous et nommez cinq choses que vous pouvez voir. Cela peut être n’importe quoi : une lampe, un livre, une plante, etc. L’idée est de diriger votre attention sur des éléments extérieurs et concrets.
2. "4 toucher" : Identifiez quatre choses que vous pouvez toucher. Cela peut être la texture de votre pull, le bois d’une table, la douceur d’un coussin. Utiliser le toucher aide à se reconnecter à son corps.
3. "3 son" : Concentrez-vous sur trois sons que vous pouvez entendre. Que ce soit le bruit d’un ventilateur, le chant des oiseaux, ou même le silence. Cette étape aide à calmer le bavardage mental en se concentrant sur l’environnement auditif.
4. "2 odeur" : Essayez de repérer deux odeurs présentes autour de vous. Ce peut être l’odeur de votre savon, d’une boisson, ou de l’air extérieur. La stimulation olfactive a un effet apaisant.
5. "1 gout" : Identifiez une chose que vous pouvez goûter. Vous pouvez boire une gorgée d’eau ou simplement ressentir le goût dans votre bouche. Ce dernier sens termine le processus d’ancrage en douceur.
Ce type d’exercice aide à réorienter l’attention vers le présent, à sortir des pensées anxieuses et à calmer la montée de la panique.
L’angoisse, bien qu’elle soit une expérience difficile, peut jouer un rôle important dans la compréhension de soi. En tant que symptôme d’un malaise profond, elle nous invite à explorer nos conflits intérieurs et à nous interroger sur nos propres désirs et peurs. Apprendre à reconnaître et à gérer l’angoisse, par des techniques comme celle du 5-4-3-2-1, est une première étape vers une meilleure régulation émotionnelle et un équilibre intérieur retrouvé.

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